Vertébrés
Création le 30 janvier 2015
au Phare, Festival Pharenheit
Le Phare / CCN du Havre Normandie
Conception / Chorégraphie : Margot Dorléans
Danseurs : Marie-Charlotte Chevalier, Maxime Guillon-Roi-Sans-Sac, Luna Paese
Lumières : Gilles Gentner
Durée: 40 min
Production : Du Vivant sous les Plis
Aide à l’écriture : Le Phare, Centre chorégraphique national du Havre Normandie, direction Emmanuelle Vo-Dinh
Soutiens : Fondation Royaumont, L’Étoile du Nord-Scène conventionnée Danse
Vertébrés est une pièce chorégraphique pour 3 danseurs conçue comme une exposition vivante de 3 corps qui se lèvent – Une manifestation poétique et silencieuse à nu pour dire l’urgence du potentiel du vivant.
Elle est à géométrie variable et à vocation In-Situ.
C’est un espace-temps à l’intérieur duquel se décline de multiples densités éveillant l’imaginaire d’une matière en perpétuelle mutation.
Genèse
Ce projet est née au sein de Transforme – édition 2012/2013, Programme de Recherche et de Composition Chorégraphique dirigé par Myriam Gourfink à l’abbaye de Royaumont qui a voulu nous interroger autour de la notion de Langage. Tout le programme basé sur la découverte et la pratique de différentes techniques somatiques m’a permis de prendre conscience du choix et de l’impact des mots sur l’expérience du corps dans les différentes approches proposées (yoga de l’énergie, BMC, outil hypnotique). De la formulation à la réalisation du projet, il s’est avéré déterminant pour moi d’œuvrer à transmettre la matière corporelle via une pratique de langage visant les danseurs à vivre leur mouvement au cœur de leurs sensations physiques.
J’ai toujours cherché à comprendre mon corps, son organisation, ses fonctionnements ou dysfonctionnements ; ce « quelque chose qui vit » sans même que je m’en préoccupe et qui m’accompagne pourtant au quotidien aussi bien dans ma pratique artistique que dans ma vie de tous les jours. Et j’ai toujours été fascinée par son potentiel de dire, de manifester de façon concrète le problèmes (ou bien les réjouissances) que je pouvais rencontrer dans ma vie ; comme des réactions signifiantes de mes états d’âme intérieurs.
Aussi bien par la danse que par tout un travail thérapeutique orienté vers la médecine chinoise et tibétaine ou encore par l’apprentissage de différentes techniques énergétiques comme le shiatsu et le yoga, j’ai observé la force, la puissance de cette structure physique et psychique dont nous sommes faits. Et j’ai pu observé également au combien le corps pouvait être délaissé aujourd’hui et combien il réclamait une attention (allant bien au-delà des messages publicitaires de santé publique que l’on connaît tous). L’écouter c’est écouter la pulsation de la vie. Dans Vertébrés, les danseurs laissent pulser différentes structures corporelles pour rentrer en dialogue avec la gravité.
J’envisage le corps comme le premier vecteur de notre être au monde, à ce qui nous entoure. Approcher le monde par le corps. Toucher le monde.
Vértébrés
photographie de Laurent Paillier
L'essentiel
C’est une manifestation qui se pose dans un espace donné à un moment donné en silence et qui pose cette levée des corps comme la force d’un soulèvement. Une façon de se mettre à nu pour atteindre le cœur. L’urgence de dire le potentiel du vivant. À l’image du mouvement des Indignés, cette levée des corps se veut être une revendication douce et pacifique se démultipliant en nombre, temps et espace.
Une « manifestation » dans un double sens du terme :
- Rendre tangible les forces invisibles à l’œuvre en nous et constitutives de notre corporéité
- Comme un rassemblement, une revendication
Les corps ne s’appuient que sur eux-mêmes, sur leur propre structure, leurs propres tissus pour dialoguer avec la gravité. Ils se mettent debout pour exposer leur face « creuse », pour faire l’expérience du dévoilement, de la vulnérabilité, radicalement posés dans un dénuement total.
La visibilité de l’espace du lieu est donnée à travers le médium corps, cet endroit s’habite, se peuple, s’incarne à travers ces corps qui se mettent debout. Il est le décor de ces corps qui se lèvent. Il s’agit alors de peupler ces espaces par ces présences humaines qui se posent et s’exposent comme une force essentielle faite d’une matière sujette à une perpétuelle transformation. Dévoilant leur nudité, les corps donnent à voir une forme de mutation permanente et forment ainsi réunis des paysages corporels en mouvement.
Travail physique
Le travail physique s’articule autour d’un travail centré sur la prise de conscience de différents tissus du corps (fluides, peau, muscles, os…). Un travail sur la matière-corps stimulée via différentes techniques de toucher ; la relation de la peau à l’environnement et à l’autre occupe une place importante dans ce travail pour développer une forme de porosité et travailler à l’assouplissement des tissus chez les danseurs.
Le travail des appuis et des transferts de poids est ce qui permet de nourrir le voyage de l’horizontalité à la verticalité ; il s’agit de faire circuler le poids à travers les appuis pour donner à voir des modulations de densité de corps et une forme de flottement dans le dialogue avec la gravité.
Un travail central autour de la colonne vertébrale et de l’axe médian, notre « arbre intérieur »; qui passe par l’exploration de tous les mouvements micro-vertébraux possibles sur tous les plans de l’espace (frontal, sagittal, horizontal) et permettant de construire la verticalité. Le rapport à l’axe intérieur construit la verticalité des danseurs.
Il s’agit à partir de toutes ces données de travailler avec pour trouver cet « espace fluide de forces » dont parle Deleuze.Cet espace fluide se construit également à partir d’un travail fin de présence et d’écoute: être présent à son mouvement c’est-à-dire se placer au cœur de sa sensation sans vouloir la contrôler ; ne pas chercher à faire mais à laisser faire; accepter que cela prenne du temps. C’est être réceptif à ce qui se passe en soi (battement du cœur, respiration, mouvements internes).
Le travail physique invite les danseurs à trouver une façon de reposer en soi qui rend possible la mobilité et lui donne une élasticité particulière. C’est une pratique de lâcher prise en action.